Catherine Fortin-Dubé s’investit au quotidien à faire connaître le patrimoine alimentaire de notre région dans ses multiples associations à des événements sportifs et communautaires. Sa participation et son engagement dans le Marché public Lafontaine permettent de porter le travail d’artisan agroalimentaire à l’avant plan. De plus, elle a insufflé l’énergie et la force nécessaires à la création d’un 2e commerce tel le Bistro V. Elle est engagée dans le bien-être et la santé de sa communauté et surtout, profondément humaine.
D’abord pourquoi être devenue végane, Catherine Fortin-Dubé?
Pour être honnête, je ne me considère pas tant végane! Le véganisme, c’est vraiment un mode de vie qui exclut l’utilisation de tout produit provenant des animaux ou de leur exploitation. En 2018, avec nos habitudes de consommation actuelles, du point de vue de la mode, des vêtements, des voitures, etc., c’est difficile de n’avoir aucune empreinte! Par contre, on peut dire que je suis végétalienne et que j’essaie d’être végane au maximum.
Je suis donc végétalienne et la transition s’est faite au fil de mes cours de nutrition. À Rivière-du-Loup, avant de quitter pour les études, je n’avais jamais vraiment été en contact avec des végétariens, ce n’était pas un concept que je comprenais nécessairement et c’était plutôt marginal! Dès les premiers cours de nutrition, on parlait des bienfaits des végétaux, de l’importance d’en manger en abondance, et des effets négatifs des gras saturés et du cholestérol dans la viande et les produits alimentaires d’origine animale. Je ne comprenais pas pourquoi on nous apprenait à manger comme ça (la diète nord-américaine) si ce n’était pas la façon idéale. Je me disais, si je peux être en santé et vivre plus longtemps, avoir plus d’énergie, je ne vois pas pourquoi je ferais autrement! J’ai coupé la viande rouge rapidement après mon entrée aux études et petit à petit j’éliminais les autres sources de protéines animales. C’est en 2013, à force de faire des recherches sur le végétalisme et par le biais, le véganisme, que j’ai réalisé les autres impacts de l’alimentation (éthiques et environnementaux) et que c’est devenu vraiment important pour moi de limiter au maximum ma contribution à l’exploitation animale.
À partir de quand ta passion est devenue assez grande pour que tu choisisses d’en faire ton métier?
Autant la cuisine que la saine alimentation sont depuis longtemps très importantes pour moi. J’ai presque toujours voulu travailler dans le domaine. J’ai même fait mon « stage d’un jour » avec la nutritionniste du CHRGP quand j’étais au secondaire. Puis, après le cégep, je voulais m’orienter vers les grandes industries, c’est pour cela que j’ai travaillé chez Kraft. Je pensais qu’en allant dans une multinationale, là où il y a de l’argent pour la recherche et les études, je pourrais faire partie intégrante du changement. Contribuer à diriger le mouvement, les tendances émergentes et les aider à faire des virages santé pour offrir des produits plus sains sur le marché. Je voulais être dans cette « game » là.
Parallèlement, j’ai toujours eu la nutrition communautaire et la transmission de mes connaissances à cœur. Au cégep, j’ai fait des projets dans les centres de personnes âgées et auprès de personnes avec des limitations physiques ou mentales, parce que je voulais leur donner des outils pour faire de meilleurs choix. J’étais coincée entre les deux parce que je n’étais pas dans l’industrie multinationale pour l’aspect argent, j’étais là parce que je voyais le momentum! Puis je me suis vite rendu compte que je pédalais à contre-courant et surtout, que je ne travaillais pas pour ma clientèle cible. Par exemple, quand tu as envie de manger un Kraft Dinner, tu as envie qu’il goûte le Kraft Dinner! Quand j’ai accepté que ça ne fonctionnait pas et que pour réussir ma mission, je devrais continuer d’informer et d’éduquer les gens AVANT d’essayer de modifier les produits qu’ils aimaient et auxquels ils étaient habitués… J’ai suivi mes valeurs et je suis retournée directement à la base, pour sensibiliser le consommateur et l’aider à mieux utiliser son pouvoir d’achat… pour faire changer l’industrie. J’ai adoré mes années de recherche et développement chez Kraft et j’ai énormément appris, tant sur l’industrie que sur la gestion de projet.
Ton objectif premier c’est quoi?
Ma mission d’entreprise c’est de rendre disponible, accessible et abordable l’alimentation végétale et les produits locaux. De montrer que c’est facile de manger sainement et que ce n’est pas vrai que c’est si cher que ça… C’est facile en Californie de manger végétalien et local à l’année, mais à Rivière-du-Loup, quand la verdure commence à sortir en juin, ça devient plus complexe. J’essaie donc de favoriser les produits régionaux, les produits québécois, ensuite les produits canadiens. D’autant plus qu’on vient d’apprendre que la noisette du Bas-Saint-Laurent s’en vient, on a des edamames du Québec maintenant et les pois jaunes de Saint-Jean-Port-Joli, de supers sources de protéines et de fibres, cultivées ici.
J’adore la citation de Michael Pollen qui a dit : « Mangez de vrais aliments. Juste ce qu'il faut. Surtout des végétaux ». Ça fait tellement de sens. Je veux simplement donner plus de moyens aux gens, c’est pour ça que je fais des ateliers et que je m’implique! Je suis persuadée qu’en tant que société, en étant mieux informé, on fait de meilleurs choix pour soi, pour l’environnement et pour les animaux. Surtout, on fait ce qu’on peut avec les moyens qu’on a. Je ne veux pas forcer les gens à faire ce qu’ils n’ont pas envie. Je veux essayer de les guider et de les encourager pour qu’ils réalisent des changements qui seront bénéfiques pour eux et pour la société.
La meilleure façon d’apprivoiser un nouvel aliment, c’est de goûter! Et c’est pour ça en fait que j’ai ouvert La Bette à Cath. Ça permet à mes clients de découvrir et d’apprécier des aliments méconnus, bien apprêtés dans une recette. C’est facilitant par la suite pour eux d’expérimenter et de reproduire à la maison ce qu’ils ont vu et essayé à La Bette. Ma plus belle réussite, c’est que les gens se procurent mes produits, ma matière première, pour cuisiner végétalien chez eux! Le simple fait qu’ils mangent plus de produits végétaux au quotidien me comble littéralement de bonheur! Pour moi, ce n’est que du beau et du bon et je n’aurais pas pu rêver mieux.
Considères-tu que ce type d’alimentation est réservé à une classe à part?
Honnêtement, non. Je crois que c’est accessible à tout le monde. Surtout par rapport au prix de la viande actuellement… Le coût par portion de protéines est vraiment inférieur pour les protéines végétales. Les grains, les graines et les légumineuses, ça ne coûte à peu près rien! C’est certain que si tu veux manger comme les blogueurs Instagram, ton assiette végétale peut facilement te coûter une fortune… au même titre que ton bœuf Kobe!
Le pire préjugé que tu as entendu par rapport à l’alimentation végétale?
Les gens croient que c’est fade, qu’on mange juste des graines, qu’on manque de calcium ou de protéine… Je ne sais pas si c’est le pire ou le plus commun des préjugés, mais ça sous-entend qu’on doit être mal pris pour manger végé! Je pense qu’on subit un peu la mauvaise réputation qu’a acquis l’alimentation végétarienne des années 60-70. Pourtant en 2018, l’alimentation est plus colorée, variée et savoureuse que jamais ET plusieurs athlètes de haut niveau fracassent des records sur une alimentation végétale!
Est-ce que ça peut être brimant d’adopter ce mode de vie?
Tout est une question d’attitude à mon avis. C’est à toi de décider avec quoi tu te compliques la vie. Personnellement, j’ai la chance d’être dans un environnement super ouvert. C’est important d’ouvrir la discussion avec son entourage pour exprimer pourquoi tu le fais, sans vouloir pousser tes idées dans la tête des gens, juste pour les aider à comprendre et à accepter ton choix… Tout en acceptant qu’ils ne soient pas rendus à la même place. Pour le reste, je ne dirais pas que c’est brimant, c’est juste un peu plus de planification pour l’instant, mais c’est clairement plus facile pour ceux qui végétalisent leur alimentation maintenant que ce l’était quand moi j’ai fait le virage disons!
Entrepreneurialement parlant, la part de marché est plutôt restreinte, comment fais-tu pour tirer ton épingle du jeu, parmi toute l’offre de restauration?
Ma réponse sera probablement la même que celle de n’importe quel entrepreneur. Il faut travailler fort! C’est un marché niche, mais la réalité est la même. Il faut seulement accepter que ta courbe de croissance soit peut-être un peu plus lente qu’ailleurs, et que tu saches te démarquer par autre chose. Les végé-curieux sont là, il faut les trouver et s’assurer qu’ils soient fidèles!
Ta plus grande fierté?
Que des chefs et des entrepreneurs de la région utilisent et distribuent mes produits. Qu’ils me fassent suffisamment confiance pour vendre mon produit dans leurs recettes ou avec les leurs. Wow! Ça me touche chaque fois!